Dans la brume, elle distinguait maintenant la maison de l’éclusier. Les volets étaient clos, tout le monde dormait. L’ombre des peupliers dansait sur la façade grisâtre de la maison. Le cri d’un chat-huant transperça la nuit, puis plus rien. Le calme profond l’angoissa. Elle avait de plus en plus froid, et s’était mise à trembler regardant devant elle cette masse informe qui flottait, prête à la dévorer comme un chien de garde attentif dont il lui faudrait distraire l’attention.
Arrivée à l’écluse, le brouillard
s’était épaissi formant une véritable barrière à franchir. Elle respira très
profondément, infiltrant le silence pour mieux écouter les bruits et entendit
la nuit se tordre de rire en écoutant les fantômes expliquer la méthode qu’ils
employaient pour effrayer les hommes ! Elle n’avait pas peur, consciente
qu’elle pouvait faire une mauvaise rencontre et qu’il lui faudrait tout
simplement rire plus fort que les monstres pour les faire fuir. Elle avait
longtemps pratiqué ce combat dans ses nuits d’insomnies.
Parvenue à la hauteur de la barrière, elle regarda furtivement du côté de la maison de l’éclusier. La voie était libre. La brume faisait maintenant un écran épais lui masquant entièrement les prémices d’un quelconque paysage. « C’est le moment, allons-y » se dit-elle! Elle hésita une seconde, pris sa respiration, fit un dernier pas en avant et disparut littéralement happée par le brouillard, dans un bruit sourd comme un sac qu’on jette à l’eau ...
Théa Casamance
Recueil de Nouvelles
Un certain voyage ou le passage de la frontière (extrait)
1er prix de la nouvelle de la ville de Cholet 2009
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